La Haggadah de Pessah est probablement le texte qui nous rattache le plus à notre histoire et notre foi. Beaucoup de familles retrouvent le sens de la transmission et du judaïsme juste ce soir-là. Et en effet, ce récit raconte une histoire qui est doublement la nôtre. C'est bien entendu celle de nos ancêtres, mais c'est avant tout celle que nous-mêmes sommes en train de vivre et d'écrire.
La Haggadah est aussi un livre qui nous ouvre au dialogue, sans doute le premier ouvrage interactif de l'histoire, car il s'agit depuis 3500 ans de faire vivre réellement par chacun l'histoire de nos ancêtres : "Chacun est tenu de se sentir comme sortant lui-même d'Egypte".
Cela peut sembler difficile à concevoir dans le confort matériel de notre société, mais ne sommes-nous pas tous prisonniers, esclaves même, de nos petits abandons, de nos petites défaites quotidiennes, ou de notre paresse ? Ou pire, de notre capacité à accepter ce qui devrait être inacceptable ?
C'est aussi le sens profond du chant Dayénou.
Chaque don supplémentaire de l'Eternel est un cadeau inespéré, et pour chacun d'eux, nous avons le devoir de Le remercier.
Mais a-t-on le droit de refuser ce que le Créateur nous a déjà donné ?
La finalité de la sortie d'Egypte était, comme nous le disons le soir de Pessah, une histoire en devenir, la promesse d'une promesse.
Et c'est cette promesse d'humanité qui a toujours animé le rabbin Salomon Malka, tant au service de ses communautés qu'au service du Beth Din de Paris où il fut un ami, un frère pour celles et ceux qui venaient livrer leurs souffrances dans un moment si difficile de remise en question. C'est cette même humanité que nous retrouvons dans cette Haggadah.
Le rabbin Malka était un poète, un amoureux des mots justes, et il avait toujours voulu rédiger une traduction lyrique de ce très beau texte. Il avait sollicité son fils pour illustrer le récit, et j'ai toujours aimé cette façon si contemporaine de présenter, par exemple, les quatre enfants comme les enfants de chaque époque et de chaque lieu.
Et je remarque d'ailleurs qu'ils ne figurent pas en illustration, mais il y a une table sans convives autour…comme si nous étions invités à prendre notre place autour de cette table familiale.
Par piété filiale, Avi Malka a porté la dernière main au travail de son père, tel un concert à quatre mains, par-delà le temps et l'absence, en y ajoutant les commentaires que mon ami offrait à sa famille.
Grâce à ce travail remarquable, nous nous retrouvons à la table du rabbin Salomon Malka et nous pouvons espérer avec lui l'arrivée de la délivrance.
Nous sommes la génération qui a eu le mérite de voir la création de l'Etat d'Israël, et qui vivra, avec l'aide du Tout Puissant, la rédemption finale.
Je formule le vœu qu'arrivent les temps qui verront la joie recouvrir les plaintes des exilés de Sion, que Jérusalem résonne des prières des hommes et des femmes unis vers l'Eternel et que les enfants retrouvent la tendresse des parents.
Haïm Korsia
Grand rabbin de France Membre de l'Institut