Préface du Grand Rabbin de France

Les rabbins sont bavards. 

Nous sommes appelés à parler en tant d'occasions que nous écrivons peu. Trop peu.

Mais mon ami le rabbin Salomon Malka a trouvé cette force de s'astreindre à écrire. Ses cours et ses sermons, ses interprétations et ses enseignements.

Ses enfants, avec l'aide quasi filiale du président de la synagogue de la rue Saint Lazare, Sam Attia, ont réalisé un travail qui ferait la fierté de tous les parents en retrouvant, compilant, regroupant et ordonnançant ses textes et ses articles pour en faire une somme de sagesse et de réponses à toutes les interrogations qui peuvent être les nôtres selon le calendrier liturgique. Le rabbin Salomon Malka a toujours considéré sa communauté des Algérois comme sa famille et il a destiné beaucoup de ses réflexions aux fidèles de Saint Lazare, mais il nous les propose aujourd'hui avec toujours autant d'ouverture et d'empathie.

Ce sont des textes qui s'écoulent sur près de vingt ans et pour certains, un jour ou deux avant son entrée à l'hôpital. Toute la vérité de cet homme se trouve contenue dans ces volumes. Il y a même un début d'autobiographie qu'il devait destiner à ses enfants et à ses petits enfants comme un témoignage de vie. Nous voilà tous comme ses enfants à le redécouvrir avec ses forces et ses doutes, avec sa sagesse et son humanité.

C'est d'ailleurs précisément dans ses textes et dans ses traductions poétiques qu'il est possible de le découvrir dans sa piété et son mysticisme si pudique.

J'ai une tendresse particulière pour la Haggadah que j'ai déjà eu l'honneur de préfacer car c'est un moment familial, presqu'intime. Et il nous permet de le partager avec les siens. Et en effet, ce récit raconte une histoire qui est doublement la nôtre. C'est bien entendu celle de nos ancêtres, mais c'est avant tout celle que nous-mêmes sommes en train de vivre et d'écrire.

La Haggadah est aussi un livre qui nous ouvre au dialogue, sans doute le premier ouvrage interactif de l'histoire, car il s'agit depuis 3500 ans de faire vivre réellement par chacun l'histoire de nos ancêtres : "Chacun est tenu de se sentir comme sortant lui-même d'Egypte".

Cela peut sembler difficile à concevoir dans le confort matériel de notre société, mais ne sommes-nous pas tous prisonniers, esclaves même, de nos petits abandons, de nos petites défaites quotidiennes, ou de notre paresse ? Ou pire, de notre capacité à accepter ce qui devrait être inacceptable?

C'est aussi le sens profond du chant Dayénou. 

Chaque don supplémentaire de l'Eternel est un cadeau inespéré, et pour chacun d'eux, nous avons le devoir de Le remercier.

Mais a-t-on le droit de refuser ce que le Créateur nous a déjà donné?

La finalité de la sortie d'Egypte était, comme nous le disons le soir de Pessah, une histoire en devenir, la promesse d'une promesse. 

Et c'est cette promesse d'humanité qui a toujours animé le rabbin Salomon Malka, tant au service de ses communautés qu'au service du Beth Din de Paris où il fut un ami, un frère pour celles et ceux qui venaient livrer leurs souffrances dans un moment si difficile de remise en question. C'est cette même humanité que nous retrouvons dans cette Haggadah.

Le rabbin Malka était un poète, un amoureux des mots justes, et il avait toujours voulu rédiger une traduction lyrique de ce très beau texte. Il avait sollicité son fils pour illustrer le récit, et j'ai toujours aimé cette façon si contemporaine de présenter, par exemple, les quatre enfants comme les enfants de chaque époque et de chaque lieu. Et je remarque d'ailleurs qu'ils ne figurent pas en illustration, mais il y a une table sans convives autour…comme si nous étions invités à prendre notre place autour de cette table familiale.

Grâce à ce travail remarquable, nous nous retrouvons à la table du rabbin Salomon Malka et nous pouvons espérer avec lui l'arrivée de la délivrance.

Nous sommes la génération qui a eu le mérite de voir la création de l'Etat d'Israël, et qui vivra, avec l'aide du Tout Puissant, la rédemption finale.

Je formule le vœu qu'arrivent les temps qui verront la joie recouvrir les plaintes des exilés de Sion, que Jérusalem résonne des prières des hommes et des femmes unis vers l'Eternel et que les enfants retrouvent la tendresse des parents.

Tous les textes et les écrits du rabbin Salomon Malka nous y aident avec ardeur, discrétion, force et intelligence. 

Que ce soit une source de bénédiction pour lui.

Grand rabbin de France, Haïm Korsia 

Membre de l'Institut

25 août 2021

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